Un film culte pour fêter Halloween ! Tout savoir sur les secrets de la réédition de Elvira, maîtresse des ténèbres en DVD/Blu-ray. Entretien exclusif avec Carine Bach de BACH FILMS.
Elvira, maîtresse des ténèbres en DVD/Blu-ray collector
Ladies and Dobermann, Elvira vient de souffler les trente bougies vissées dans la crème d’un de ces monstrueux gâteaux américains ! Après trois décennies, nous pourrions encore imaginer une nouvelle recette magique concoctée par la richissime grand-tante Morgana ! L’influence de sa petite-nièce Elvira reste toujours vivace dans la communauté française des fans. Alors que le costume de la diva gothique est encore porté aux quatre coins du globe pour Halloween, voici quelques ingrédients secrets d’un film au parfum suranné, mais diablement délicieux.
La résurrection d’un film culte grâce à des passionnés de cinéma
« Elvira, maîtresse des ténèbres », réalisé par James Signorelli en 1988, est enfin commercialisé sur une galette DVD/Blu-ray, après trente ans d’une attente insoutenable pour les fans du monde entier. Diffusé sur Canal + l’été 1992, je l’avais enregistré sur une VHS mille fois usée. Trop tard, le virus Elvira était inoculé à jamais ! La résurrection de ce film est un petit miracle. Il est venu de France grâce à un projet de financement collaboratif proposé sur une plate-forme Internet. La collecte servit à couvrir les droits d’acquisition du film et à produire entre autres un documentaire inédit sur le phénomène Elvira en France, réalisé par Carine Bach : « Le Diable au gore ». Incontournable. Des spécialistes de la tornade Queer du Massachusetts sont venus lui prêter main forte. Ce montage rythmé et captivant d’une cinquantaine de minutes est opéré par Yannick Delhaye. Quel régal !
Il convient de féliciter l’équipe de Bach Films, qui écume le monde depuis 2003 pour redonner vie à des films perdus, oubliés, rares ou même inédits. Leur catalogue est riche de quelques centaines de films qui représentent la diversité et la richesse de l’histoire du cinéma. De véritables passionnés.
Faites sauter les pop-corn ! Bien sûr, « Elvira, maîtresse des ténèbres » est une histoire aux apparences loufoques, mais le film est une satire sociale menée tambour battant. Le scénario exploite avec ironie le décalage culturel entre une petite ville provinciale américaine (« A decent Community »), aux mœurs strictes et à l’esprit conformiste, avec l’excentricité d’Elvira. Il égratigne également à sa façon les agissements déplacés d’un producteur d’Hollywood ! L’histoire tient dans un pot d’Edrazeba. Elvira veut monter un show à Las Vegas mais il lui manque 50 000 dollars. Au même moment, elle apprend la mort de sa grand-tante, la richissime Morgana. Sans attendre, l’impératrice gothique déboule dans sa « Macabre Mobile », une Ford Thunderbird customisée, dans un village très conservateur du Massachusetts, pour la lecture du testament. Une hilarante cascade de tracas commence pour la petite-nièce Elvira. Chastity Pariah, une mégère représentant un club de défense de la moralité, veut l’éloigner des jeunes gens. Le conseil municipal voudrait qu’on la brûle comme sorcière. L’oncle Vincent, dit « Vivi », aimerait lui jeter un sort. Courageuse Elvira.
Prix de la critique et du public au Festival du film fantastique de Paris en 1990, il était impossible de résister à la tornade Elvira, alias Cassandra Peterson, sur le boulevard de la Croisette de Cannes en 1989 ! Le phénomène remonte aux années quatre-vingt. Cassandra Peterson, actrice américaine, avait déjà obtenu une renommée en présentant une émission de télévision hebdomadaire sur les films d’horreur, « Elvira’s Movie Macabre »¹ Plus tard, son personnage haut en couleur s’est décliné dans des jeux vidéo, des bandes dessinées et sa popularité a été grandissante grâce à une présence remarquée dans de nombreux festivals et parades aux États-Unis (Halloween, Gay Pride de San Francisco…).
« Je m’appelle Elvira mais vous pouvez m’appeler… Ce soir ! »
Le succès du film en France tient aussi, chose rare, à l’écriture d’un doublage particulièrement drôle et réussi. Il faut aussi préciser que la voix de Cassandra Peterson est doublée par une excellente comédienne : Evelyne Grandjean. Bien sûr, beaucoup de fans se souviennent avec bonheur de nombreux jeux télévisés dans lesquels Evelyne Grandjean participait : « Les Jeux de 20 heures » et « L’Académie des neuf ». Depuis, la comédienne (mais aussi scénariste) a doublé de nombreux films et des séries à succès, des dessins animés, mais aussi des émissions comme « Vidéo Gag » ou « Les Guignols de l’info »².
Les fans francophones sont comblés
Un choix de différentes éditions est proposé à l’occasion des 30 ans de ce film culte : mediabook, leather book et un buste en résine d’Elvira… J’ai opté pour me procurer le mediabook collector combo DVD/Blu-ray. La première chose qu’on apprécie avant d’ouvrir le graal est l’affiche très réussie de l’illustrateur Jérémy Pailler. La fabrication du packaging intègre un livret de 36 pages imprimé façon fanzine. Les fans sont comblés : dossier et revue de presse de l’époque avec un entretien de Cassandra Peterson, etc. Cette mini-publication à la mise en page colorée est une belle valeur ajoutée. Du pressage des disques en passant par les menus et la navigation soignés, rien n’est laissé au hasard. C’est l’une des plus jolies réalisations que j’aie vues jusqu’à présent. « Elvira, maîtresse des ténèbres » est proposé en version originale (sous-titres français disponibles), ainsi qu’en version française d’origine. Le film est présenté en version restaurée 2K 16/9 mais aussi au format restauré 4/3 pour les nostalgiques de la VHS ! De quoi faire de très mauvais rêves !
5 questions à… Carine Bach
Réalisatrice du documentaire Le Diable au gore, consacré au phénomène Elvira en France
Frédéric : Qui est à l’origine de cette réédition ?
Carine Bach : Cela fait plusieurs années que nous sommes sur la piste d’Elvira. C’est un film culte, et l’équipe de cinéphiles que nous sommes à Bach Films n’a pas échappé à cette tornade ! 2018 était l’année parfaite car elle marque les 30 ans de la sortie du film. A noter que, si le deuxième film, Elvira et le château hanté, est sorti en DVD il y a une dizaine d’années en France, ce n’était pas le cas pour Elvira, Maîtresse des Ténèbres. Seule la VHS existait, alors une édition collector DVD/Blu-ray digne de ce nom était nécessaire ! De plus, nous sommes en plein dans une période de revival des années 80, avec la série Stranger Things et le Ready Player One de Spielberg par exemple.
Comment avez-vous procédé pour mener l’organisation éditoriale du projet ?
Pour cette édition particulière, nous nous sommes rapprochés de la société Novobox, spécialiste en packagings spéciaux. Le médiabook s’est imposé immédiatement, avec son livret intégré. Le phénomène Elvira méritait bien qu’on revienne dessus à travers le dossier de presse d’époque, des articles et des interviews… Nostalgie pour les fans de la première heure, et découverte totale pour les novices ! Les illustrations pour la couverture du coffret, le dos et la tranche ont été réalisées par le très talentueux Jérémy Pailler. Un artiste que notre graphiste et ami John Capone suivait depuis longtemps. Il nous a suggéré de nous mettre en contact et nous nous sommes tout de suite entendus. Egalement très cinéphile et fan d’Elvira, Jérémy nous a proposé une illustration magnifique. Nous continuons d’ailleurs cette collaboration pour de prochaines sorties…
Quelles sont les étapes de la restauration du film ?
C’est l’ayant-droit qui nous a fourni la copie restaurée HD du film. Cette version remasterisée est en 16/9 et donc nous tenions à mettre également la version au format 4/3 d’origine pour les fans purs et durs ! Enfin, chose très importante, le public français a découvert le film en salles puis en VHS en version française. Le doublage est hilarant et a largement contribué au succès d’Elvira. D’aucuns disent que le VF est même plus drôle que la version originale… A vous de comparer !
Pourquoi ce documentaire et comment avez-vous pris contact avec les participants ?
Nous accompagnons systématiquement nos éditions de bonus, la plupart du temps des entretiens avec des historiens du cinéma, des journalistes, des spécialistes du genre afin de présenter le film, son histoire, son contexte… J’avais déjà réalisé, avec mon comparse Yannick Delhaye, un petit documentaire à l’occasion de la sortie de notre coffret Ed Wood, réunissant plusieurs réalisateurs (Hideo Nakata, Ben Wheatley, Yann Gonzalez, Lucile Hadzihalilovic, entre autres) afin qu’ils témoignent de leur amour pour le cinéaste ! L’accueil du documentaire avait été bon, alors pourquoi pas réitérer l’exercice pour Elvira ?! Nous sommes partis sur plusieurs pistes : Catherine Falgayrac, alias Sangria, qui présentait « Les Accords du diable » sur La Cinq ; notre Elvira nationale ! Numa Roda-Gil qui a reçu Cassandra Peterson sur le plateau de son émission « Babylone », toujours sur La Cinq. Evelyne Grandjean, la voix française d’Elvira, et François Frey, l’attaché de presse de l’époque. A nouveau notre ami Yann Gonzalez ainsi que le duo de réalisateurs Alexandre Bustillo et Julien Maury ! Et, bien sûr, que serait un documentaire de fan, sans les fans ? John Capone et Karim De Lille se sont chargés de les représenter ! Nous avons évidemment tenté de joindre Cassandra Peterson herself pour obtenir une interview, mais cela ne s’est jamais concrétisé, la Reine du macabre ayant une légère gourmandise pécuniaire… Un mal pour un bien car notre documentaire est 100 % français et évoque exclusivement le phénomène Elvira en France. Un document qui restera inédit, et nous en sommes fiers !
Quels sont les enjeux des rééditions de Bach Films en France ?
Nous sommes un petit éditeur indépendant et nous existons depuis quinze ans ! Au fil des années, notre catalogue s’est étoffé pour atteindre près de 800 films. Notre but a toujours été de défendre le patrimoine cinématographique du monde entier, en rendant visibles des films qui ne l’étaient plus depuis longtemps, ou, mieux, des films qui n’avaient jamais connu d’édition VHS ou DVD. Nous avons souvent été confrontés, et le sommes encore aujourd’hui, au dilemme de la copie : est-elle d’assez bonne qualité pour une édition DVD ? Pas toujours. Mais nous préférons largement déterrer des pépites et les proposer au public que de les laisser à jamais dans l’oubli. Bien sûr, nous tentons dès que nous le pouvons d’effectuer un travail de restauration, à hauteur de nos petits moyens. Dans cette politique d’édition très cinéphile, nous restons libres dans nos choix éditoriaux. Passer du cinéma muet aux films de série Z des années 40 ne nous effraie pas ; explorer le cinéma mexicain, puis japonais, en passant par l’Italie et la Russie, est notre plus grand plaisir. Les plates-formes de streaming (légales, bien évidemment) refusent souvent nos films, car trop pointus, trop en VOST et surtout trop en noir et blanc. C’est dommage ! Heureusement que nous avons la confiance de plates-formes comme FilmoTV et MUBI, qui font un vrai travail d’éditorialisation, avec des passionnés de cinéma aux commandes !
Sources :
(1↑) Cassandra Peterson
(2↑) EveLyne Grandjean