L’Hermione : alliée de la liberté

Attendue l’été 2015 sur la côte est américaine, la frégate partira en voyage sur les traces du jeune marquis de La Fayette

Un rendez-vous symbolique fort pour populariser l’attachement historique de la France et des Etats-Unis.

“L’Hermione”, construit en à peine six mois, prend la mer en 1779 à Rochefort en direction des Etats-Unis d’Amérique alors en pleine Guerre d’Indépendance. Cette ville du sud-ouest de la France fut le port de départ et de retour de nombreuses expéditions scientifiques et botaniques aux XVIIIe et XIXe siècles et le plus prestigieux chantier de construction navale français. Ce voyage est à l’initiative du courageux marquis De Lafayette, à peine plus de 20 ans, à travers un océan déchaîné. Le jeune marquis soutient George Washington et prend part sans hésiter aux combats à ses côtés. Cette mission spectaculaire qui navigue entre espionnage et aventure à grand spectacle, débute à Bordeaux trois ans auparavant lorsque La Fayette embarque presque incognito à bord du navire “la Victoire”. Un premier voyage vers le Nouveau Monde qui va contribuer activement à aider les colonies britanniques dissidentes. Celles-ci ont fait sécession de la Grande-Bretagne pour former les États-Unis d’Amérique, lors d’un vote historique et unanime qui s’est déroulé à Philadelphie le 4 juillet 1776.

En effet, les néo-Anglais que l’on nomme les Insurgents*, n’acceptent plus les prérogatives dictées par le Parlement de Westminster, situé à des milliers de kilomètres de là. Une monarchie britannique exigeante qui impose notamment de lourds impôts et des taxes élevées. Ainsi, la Déclaration d’Indépendance signée à Philadelphie marque le début des affrontements entre le petit groupe des Insurgents, placés sous le commandement de George Washington, et les armées loyalistes et anglaises, renforcées par de nombreux mercenaires allemands.

Un immense retentissement en Europe

A son retour, La Fayette soutient l’envoi outre-Atlantique d’un corps expéditionnaire commandé par Rochambeau. C’est ainsi qu’il embarque à nouveau vers l’Amérique sur “l’Hermione”. Sur le Vieux Continent, l’insurrection et la Déclaration d’Indépendance ont eu un immense retentissement dans la noblesse libérale d’Europe. Le jeune roi Louis XVI envoi à son tour un corps de 6 000 soldats. Assiégée depuis plusieurs semaines, la base anglaise de Yorktown, sur la côte de Virginie, finira par se rendre le 19 octobre 1781 face aux colons américains et au corps expéditionnaire français. Le soutien capital de la France permet aux insurgés d’emporter la victoire à Yorktown lors d’un assaut final conduit par La Fayette. Suite à cette défaite, les Anglais se décident enfin à “négocier” l’indépendance de leurs colonies.

Une machine à remonter le temps

Deux siècles et deux poignées d’années plus tard, le 4 juillet 1997, jour de la Fête de l’Indépendance américaine, l’arsenal de Rochefort se transforme en véritable machine à remonter le temps en commençant une construction “bigger than life” : la célèbre frégate du marquis de La Fayette va ressusciter. Une aventure audacieuse et spectaculaire qui débute lorsqu’un petit groupe de passionnés, menés par Erik Orsenna (écrivain et président- fondateur de l’Association Hermione La Fayette), Benedict Donnelly (président de l’Association Hermione La Fayette depuis 1994) et Jean-Louis Frot alors maire de Rochefort, ont l’idée de reconstruire “l’Hermione”.

Dix-sept ans plus tard, en septembre 2014, la réplique de la célèbre frégate quitte flambante neuve l’arsenal de Rochefort pour remonter l’estuaire de la Charente puis rejoindre l’île d’Aix pour y effectuer sa toute première navigation. Suivront une série de tests, réglages et une escale de courtoisie à Bordeaux, battant des records de popularité. Enfin, l’ultime rêve se réalisera avec un voyage aux Etats-Unis prévu mi-avril 2015. Le navire va parcourir plus de 13 000 kilomètres (7 500 milles marins) sur les traces de La Fayette lors d’une expédition qui va durer quatre mois à travers l’Atlantique et le long des côtes américaines jusqu’au mois d’août 2015.

Frederic : « Connais-tu La Fayette ?
Le patron d’un café à Brooklyn : « Le Français qui est venu se battre pour notre liberté ! »

A New York, c’est déjà l’été Indien. Depuis deux semaines, Central Park se colore de touches orangées. J’imagine déjà la belle frégate entrer triomphante dans le port, saluée par la statue de la Liberté, pour le 4 juillet prochain. Apprenant la mise à l’eau du navire en France, j’ai décidé de taquiner le sympathique patron d’un de ces cafés populaires de Brooklyn que j’affectionne particulièrement et qui fait les meilleurs pan cakes du quartier ! Connais-tu La Fayette ? Le type a souri et m’a regardé fixement comme si je l’avais pris pour une tête creuse. “The french guy who came here to fight for our freedom** !” Il a posé mon habituel “Black coffee” d’un quart de litre sur la table puis est reparti derrière son comptoir. La messe est dite.

** Le Français qui est venu ici pour se battre pour notre liberté.
* insurgés

En guise d’interview, c’est un grand plaisir de réserver un espace rédactionnel à Bruno, marin et blogueur à la gouaille ciselée, qui a navigué près de la célèbre frégate lors de son arrivée à Bordeaux.

Escapade nautique

par Bruno Lacaussague-Rodriguez

Cuisinier/Matelot et ex-graphiste

Nouvelle escapade nautique dans l’estuaire de la Gironde. Toujours aussi fantastique l’endroit. Embarquement sur voilier avec les vieux briscards du club de voile de Lormont, à la rencontre de “l’Hermione”, frégate reconstruite à Rochefort et en visite de parade au port de Bordeaux, là où aurait embarqué La Fayette au secours des insurgés américains en 1780.

Appareillage au ponton de Lormont, marée montante (coëf. 110, y’a du jus en dessous), direction le bec d’Ambès car le rafiot fait route et il n’est pas loin (il a été signalé à Blaye vers 16 h). Remontée au moteur et génois déroulé car on est vent arrière. Je me dis que le bateau qu’on va croiser doit aussi naviguer au moteur, car ce genre de navire fonctionne assez mal au près (plus performant au portant). On traverse donc le port de Bassens où deux ou trois cargos déchargent et où la drague “Pierre-Lefort” pourrie gentiment devant la forme de radoub en attendant son démantèlement probable.
Rien à l’horizon. On est rattrapé par le remorqueur qui va acheminer “l’Hermione” et le positionner à quai dans deux heures. Enfin on distingue au loin les 3 mâts qu’on cherche, au milieu de l’eau et de la forêt alentour. Génial, voilà le bestiau. Et on s’approche. La première chose qui me surprend, c’est la quantité de cordages qu’il y a là-dessus. Tout en chanvre, il y en a dans tous les sens, une sorte de toile confectionnée par une araignée épileptique. Je pense aussi qu’ils ne doivent pas manger beaucoup de lapin là-dessus.
Tout autour, d’autres embarcations comme nous venues le saluer et l’accompagner jusque dans le port de la Lune. Génial. C’est l’euphorie sur l’eau (on se croirait à un départ de régate). Plutôt magique. Car nous rentrons aussi dans une page d’Histoire. J’ai l’impression que c’est la Licorne de Rackham le Rouge, ou alors d’être dans “Les révoltés du Bounty”. Enorme. Et puis pour un petit bordelais qui a connu les quais du port de Bordeaux dans les années 70, lu Tintin dans tous les sens et dessiné des kilomètres de trois-mâts à 7/8 ans, ça me fait vraiment drôle de voir ça. Ah, il y a aussi nos amis “les chaussettes à clous” sur l’eau, sur un petit hors-bord. Ils nous demandent gentiment de ne pas nous approcher trop près de “l’Hermione”, mais j’ai l’impression que tout le monde s’en fout, tant l’émotion est grande de voir surgir ce morceau de l’Histoire navale et de s’en approcher. C’est un peu le bordel sur l’eau. Nous faisons donc demi-tour et nous rentrons dans la parade. Cette frime ! Au cul de “l’Hermione”, je fait le plein de photos.

On passe sous le pont d’Aquitaine. Là-haut je remarque que ça bouchonne, une lignée de camions qui n’avancent pas. On n’est pas bien nous, là ? Je me demande aussi si c’est vraiment le drapeau bleu blanc rouge que l’originale “Hermione” arborait ou plutôt le drapeau à fleur de lys du Roy ? À ce niveau, le remorqueur prend en charge la frégate. Prise d’amarre, arrêt du moteur et remontée jusqu’à Bordeaux. Passage sous le pont Toussaint-Louverture*. De plus en plus de bateaux nous rejoignent. Ça sort de partout. Des coques de noix à la rame, des petits voiliers en bois, des paddles, c’est la fête sur l’eau !
Sur les quais des Chartrons c’est la cohue, partout des terriens agglutinés sur les barrières et sur les deux rives. On a encore gagné une Coupe du monde au foot ? Faut dire que Sud West a bien surmédiatisé l’évènement. C’est encore l’effet “moutonnisation”.

Pendant ce temps, à notre bord, on débouche le rosé et on remplit les godets. Bien, l’ambiance. Et puis 20 h 15 et c’est pleine mer dans le port. Le remorqueur effectue la manœuvre d’évitage, retourner le navire pour le mettre à quai en position de retour, ça prend un peu de temps, et toute la flottille autour caracole gentiment. Il y a tout le monde, “l’Arawak”, “le Sinbad”, la gabare “Les 2 frères”, des bateaux à passagers (chargés à ras la gueule de touristes qui ont payé cher leur présence ici), etc. Pendant ce temps “Hermione” fait sa maligne en tirant des salves de canons. C’est le spectacle, il ne faut pas oublier que c’est un navire de guerre. Mais c’est pour de faux comme dans “Pirates des Caraïbes” et c’est dans un décors Unesco. Et puis le bateau est amarré à quai, quasiment à hauteur de la place de la Bourse. Il faut avouer que ça a de la gueule avec l’architecture autour. Pour une fois, je prends la mesure de la beauté des façades ravalées. Et puis nous allons rentrer à Lormont car la nuit est tombée.

Sur l’eau quelques branques sur des coques de noix sans éclairage et sans gilets, il en faut de peu pour ne pas se faire couper en deux. Bilan : une jolie pièce de musée… dans un musée. Les Bordelais vont A-DO-RER. Nous on débarque à Lormont. Accostage, rangement des bouts qui traînent, re-apéro sur le pont, je reprends mon vélo et rentre chez moi des images plein la tête. Tout va bien.

* NDLR. Le choix du nom de ce pont a fait l’objet d’un débat animé à Bordeaux, sans bien sûr remettre en cause les valeurs portées par ces deux personnages : Toussaint-Louverture, en hommage au héros de la lutte anti-esclavagiste ou Chaban-Delmas, résistant puis célèbre homme politique français et maire de Bordeaux. Même si la ville a préféré Jacques Chaban-Delmas pour ce nouveau pont, d’autres veulent conserver la mémoire de Toussaint-Louverture.

US-FLAGHERMIONE : ALLY OF FREEDOM

Next summer, the journey of « Hermione » in America in the footsteps of the young Marquis de Lafayette will be a symbolic rendez-vous hard to popularize the historical connection of France and the United States. A moment in history that I’ll try to simplify.

« Hermione », built in just six months, sets sail in 1779 from Rochefort in the direction of the United States of America then in full Revolutionary War. This city in the southwest of France was the port of departure and return of many scientific and botanical expeditions in the eighteenth and nineteenth centuries and most prestigious French shipbuilding yard. This trip is initiated by the brave Marquis de Lafayette, just over 20 years, through a raging ocean. The young Marquis said George Washington and took part in the fighting again at his side. This spectacular mission navigates between espionage and adventure extravaganza which begins at Bordeaux three years ago when La Fayette embarked almost incognito aboard the ship « Victory. » A first trip to the New World that will actively contribute to helping dissident British colonies. They seceded from Great Britain to form the United States of America, in a historic and unanimous vote held in Philadelphia July 4, 1776.
Now the New English Insurgents, no longer accept powers dictated by the Parliament of Westminster, located thousands of miles away. Demanding British monarchy which imposes such high taxes and no representation, the Declaration of Independence was signed in Philadelphia and marks the beginning of the clashes between the small group of insurgents, under the command of George Washington, and loyalists with the British armies, reinforced by many German mercenaries.

A huge impact in Europe

On his return to France, Lafayette supports an overseas expeditionary force commanded by Rochambeau. Thus he sailed back to America on « Hermione. » On the Old Continent, insurgency and the Declaration of Independence had a huge impact in the liberal European nobility. The young King Louis XVI sent 6,000 soldiers.
Under siege for several weeks, the British base at Yorktown on the Virginia coast, eventually on October 19, 1781 against the American colonists and French expeditionary force. Capital support from France allows insurgents to take the victory at Yorktown in a final assault led by Lafayette. Following this defeat, the British finally decide to « negotiate » the independence of their colonies.

A journey back in time

Just over two centuries later, July 4, 1997, the day of the Feast of the American Revolution, the arsenal of Rochefort turns into a real journey back in time starting construction « bigger than life » the famous frigate of the Marquis de La Fayette was resurrected. A bold and dramatic adventure that begins when a small group of enthusiasts, led by Erik Orsenna (writer and founding president of the Association Hermione La Fayette), Benedict Donnelly (President of the Association Hermione La Fayette since 1994) and John Frot-Louis mayor of Rochefort, France, had the idea of rebuilding the « Hermione ».
Seventeen years later, in September 2014, a replica of the famous frigate leaves blazing new arsenal of Rochefort back to the estuary of the Charente and reach the island of Aix to conduct its first navigation. Follow a series of tests, adjustments and a courtesy port of call in Bordeaux, with record-breaking popularity. Finally, the ultimate dream come true with a trip to the United States scheduled for mid-April 2015 The ship will travel more than 13,000 kilometers (7,500 nautical miles) on the trail of La Fayette on an expedition that will last four months across the Atlantic and along the American coast until August, 2015.

« The French who came fight for our freedom. »

In New York, it’s been an Indian Summer. For two weeks, Central Park is colored a touch of orange. I can imagine the beautiful frigate enter triumphantly into the harbor, welcomed by the Statue of Liberty, for the 4th of July. Learning the launching of the ship in France, I decided to tease the sympathetic boss of one of these popular cafes in Brooklyn that I love and makes the best pan cakes in the neighborhood! Do you know La Fayette? The guy smiled and stared at me and said. « The french guy who cam here to fight for our freedom! » He asked me if I wanted my usual « Black coffee » and then went back behind the counter. All is said and done.


Etapes choisies pour leur importance historique dans la Révolution américaine* :

JUIN

  • 5, 6, 7 Yorktown
  • 9, 10 Mt Vernon (ship at anchor)
  • 11, 12 Alexandria
  • 14, 15, 16 Annapolis
  • 19, 20 21 Baltimore – avec des voiliers américains
  • 24, 25 Fort Mifflin
  • 26, 27, 28 Philadelphia – avec des voiliers américains

JUILLET

  • 1, 2, 3, 4 New-York City
  • 6, 7 Greenport, NY – avec des voiliers américains
  • 8 Newport, RI – accompagnée d’une parade de voiliers
  • 11, 12 Boston – avec des voiliers américains
  • 15 Castine, ME
  • 18, 19 Halifax, NS (Lunenburg, NS) – avec des voiliers américains

*Dates et escales susceptibles de modifications

Relecture France | Merci Patrick.
Relecture USA | Merci Brian.